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partie centrale qui "pousse"

Une adolescence sans problème

J’ai toujours aimé bricoler. Mon père n’a eu de cesse de parfaire notre maison. Que d’heures de travail pendant lesquels j’ai pu l’accompagner! Le fils d’un de ses amis avait réalisé une gigantesque maquette de train alors qu’il était élève à l’école d’ingénieur. Pas de doute, je serai mécanicien comme lui.
L’entrée à l’école des métiers s’est fait assez facilement, me voici donc apprenti dès le printemps 66.
J’ai tout de suite eu un très bon contact avec mon prof. Et mes nouveaux copains. En particulier avec Roger Maillard avec qui nous avons décidé partir trois semaines en stop aux premières vacances. Au moment de partir, mon père a discrètement glissé dans mon sac quelques sachets qu’il considérait comme devant faire partie de tout voyage d’adolescent ! Direction Munich tout d’abord pour visiter le musée technologique, puis l’Autriche, Ljubliana et enfin Rijeka en Croatie. Le camping d’Opatija nous a plus, aussi y sommes nous restés malgré une nuit de pluie diluvienne qui a rempli le ruisseau asséché dans lequel on avait mis notre tente !  Nous voici réfugié dans le bloc sanitaire pour une fin de nuit un peu trop longue.
Superbes vacances, nous nous sommes fait de nombreux amis français (et allemandes !). Et aussi un couple de Suisses qui nous a proposé de rentrer avec eux. J’ai ramené intactes les cadeaux que mon père m’avait remis (mais je les ai gardés, on ne sait jamais !).
Un voisin, Ferdinand, avait aussi entrepris un apprentissage à l’école des métiers. En deuxième année, nous sommes allés en avion à Londres et c’est à Carnaby Street que j’ai fait faire mon portrait format poster. Il décore encore aujourd’hui la paroi de ma chambre (devenue chambre d’amis) chez ma maman.
Au retour j’ai cousu des tissus de couleurs sur des chemises blanches pour faire croire qu’elles étaient taillées dans un drapeau anglais.
La musique a toujours accompagné ces belles années. Celle des Beatles et autres Rolling Stones a constitué le répertoire d’un groupe de rock monté avec quelques copains d’apprentissage. Nos notions d’anglais étaient très basiques, mais comme c’était incontournable, nous l’avons appelé les « Drugs », sans en deviner le véritable sens.
Pas de contrat cependant, juste quelques répétitions (que mes parents ont plus ou moins bien supportée !) dans la cave.
Ce rêve là s’est terminé par manque de persévérance, de talent ou d’opportunité. Mais je dois relever un élément très important. J'ai été aimé de mes parents. Ils m'ont toujours accompagné dans mes idées, même lorsque "hippie" du week-end, m'habillais de chemises à fleurs et  de colliers bons marchés empruntés à ma mère.
En ville, le samedi je retrouvais les copains, on se lisait des poèmes et même si parfois un joint circulait, je n'y ai jamais goûté. Ha ! Voilà encore un élément important, je ne suis pas influençable et peux parfaitement m'amuser sans soutien artificiel. Après avoir « testé » la cigarette et l'alcool, j’avais vite compris que cela n’offrait pas grand intérêt.
C’était la période des « boums » et de la « drague ». En mars 1968 je me souviens d’une boum au « Châtelard », une institution d’aide pour les enfants de parents difficiles.
S’approcher des filles n’était pas toujours facile. Chacun attendait avec impatience (les filles aussi ?) les « slows » de fin de soirée et il a bien fallu qu’une nuit cela se passe.
C’est ainsi que j’ai perdu dans le foin d’une grange à la fois mon pucelage et mon porte-monnaie !
C’est à cette époque que j’ai eu ma première vraie bagarre et devinez avec qui ? Mon bon copain Jean-Jacques !
Je me souviens d’une course entre mon vélomoteur et son vélo Solex. Soudain nous nous bousculons et d’une rage mutuelle nous nous sommes empoignés. On n’y a pas été de main morte. Le lendemain on est allé boire un verre pour se raconter nos impressions.
En novembre, Jean-Jacques a fêté ses 18 ans. La boum dans son garage a été mémorable.
Cette année là mon père a entreprit la construction d’une extension de la maison. Un garage surmonté d’un agrandissement du salon nous a donné pas mal d’espace au prix de bien des efforts. Brassage du béton, transport avec la brouette, maçonnerie, j’ai appris bien des choses.
La période "hippie" a pris fin lorsqu'un «Beatnik» (les méchants de l'époque) m'a fracassé le nez d'un coup de poing. Une réponse un peu forte (mais méritée) à quelques moqueries ! La fin d’un idéal ? Peu importe, il y en a d’autres. Merci donc à ce gars de m’avoir obligé à me tourner vers d’autres rêves. Vers d’autres réalités aussi !
Mon apprentissage de mécanicien-électricien arrivant à son terme, il me fallait aller à l’école d’ingénieurs.
La dernière année d’apprentissage, avec Georges, un copain de classe, nous avons transformé une partie de l’atelier pour produire des « porte-berlingots » en fer forgé dont un modèle est toujours utilisé par ma  tante Hélène d’Antagnes.
Nous en avons construit près d’un millier qui, vendus aux amis des amis, nous ont permis de financer entre autre le permis de conduire. Mais rapidement, ces économies ont servi également à payer les réparations de l’Opel Kadett de mes parents que j’avais bien abîmée lors d’une stupide inattention.
Puis le moment d’entrer à l’école d’ingénieur est venu en même temps que celui de faire mon service militaire d’ailleurs. Comment organiser cela ? En parallèle bien sûr ! Durant la première année, malgré mes 18 ans et demi, je m’inscrirai à l’école de recrue de l’été comme armurier. Ainsi peut-être pourrai-je rattraper  les leçons perdues pendant le semestre d’hiver. Pendant l’armée, afin de ne pas devoir chercher une copine chaque week-end, il me fallait une liaison plus stable. Avec Christiane, une fille sympa et sociable nous faisions partie d’une équipe de copains dans laquelle se trouvaient entre autres Georges, Sylvan, Marcel, Jean-Jacques, Marianne et une dizaine d’autres copains et copines. Nous avons organisés plusieurs soirées et camps de ski mémorables.
Le premier s’est passé à la Comballaz (col des Mosses). Le lendemain d’un 31 décembre bien arrosé, encore déguisés et pas encore frais…nous décidons de skier quand même. Un passage étroit pour traverser une rivière nous demande de une concentration que je n’ai pas. Me voici parti à la renverse deux mètres plus bas. Je ne bouge plus le souffle coupé. Tout le monde se marre et j’arrive enfin à leur dire :
-  Ne rigolez pas, j’ai le bras cassé !
C’est ainsi que je me suis retrouvé plâtré pour le voyage à Istanbul que nous avions prévu avec Georges en février 71.
Le but était de nous procurer des vestes en peau de chèvre brodées pour les revendre à nos amis et connaissances.
A Istanbul, il faisait froid. Un soir dans le fameux « coffe shop » nous avons écrit sur la buée d’une fenêtre : « Nous sommes seuls et cherchons des amis ».
Attila et Erdinç tentent de comprendre le message et nous voici rapidement en pleine discussion autour de quelques tasses de Thé. Nous sommes revenus en Suisse avec 40kg d’habits, deux adresses et une ferme intention de refaire le voyage.
N’ayant pas prévu dans le budget le paiement d’un impôt à la douane suisse, mon papa venu nous chercher à l’aéroport de Genève nous a avancé les 500.- nécessaires.
La vente des vestes nous a permis de financer le voyage de Pâques à la même année. Cette fois, c’est avec Christiane, Sylvette, Georges, sa sœur Eliane et une autre copine que nous avons fait le déplacement.
Retrouvailles avec Attila et Erdinç qui nous attendaient impatiemment pour nous faire visiter Istanbul la belle.
C’est promis, on reviendra cet été !
Juillet, temps de vacances, on a plus de temps. Le grand voyage se fait en train cette fois ci. Christiane et moi avons réussi à convaincre Marianne sa copine et Daniel mon copain à se joindre à la grande aventure de l’Orient Express. 48 heures de voyage et une locomotive à vapeur pour traverser la Bulgarie.
En 3 semaines, nous avons (re)visité Istambul et rencontré Philippe Bigler sur la place Taksim : Qu’est-ce que tu fais là ?... Ben on a des copains ici ! Bon alors on se raconte au retour en Suisse, Ciao !
Nous sommes aussi allé à Izmit dans la maison d’été de la famille et fait connaissance de nombreux autres copains turcs. Erdinç est tombé amoureux de Marianne et lui promet une visite en Suisse après les vacances. Il est effectivement venu en stop, mais n’a pas réussi à voir sa dulcinée car l’amour n’était pas partagé !
Au printemps 72, la fin des études approchent et l’examen se passe plutôt bien. C’est au cours d’une des dernières journées consacrées à terminer mes travaux de diplôme que le professeur Burckhardt de l’EPFL me propose de travailler pour lui dès que tout ceci sera fini. Le salaire n’est pas très élevé (2'200.- par mois), mais le travail est très intéressant. Son institut de recherche en micro technique se consacre largement au développement de la robotique qui en était alors à ses balbutiements.
Comme chaque année, j’ai reçu la sympathique invitation à passer 3 semaines de vacances forcées à l’armée. Le jeu était bien sûr d’essayer de se faire renvoyer pour raison médicale et j’avais un dossier assez bien fait.
Le premier jour, nous avons été placés sur un rang et le capitaine a déclaré :
- Ceux qui veulent être examinés par le médecin de la troupe font un pas en avant !
Vlan ! La moitié des trouffions avancent. Surprise du capitaine.
-Ah bon ? Croyez-vous que le reste me suffira ?
L’attente à l’infirmerie a été longue, mais d’une part on a le temps, d’autre part j’ai pu discuter avec Werner qui rentrait d’Amérique du Sud après avoir parcouru l’Afrique. En quelques heures j’avais inscrit ses incroyables aventures dans quelques neurones qui n’oublieraient jamais ça.
En fait, il me faudra 18 mois pour organiser et préparer le voyage qui vient de commencer à germer.
- Vous avez une dispense  de porter les souliers militaires et de poser la garde. Vous serez affecté au secrétariat de la compagnie et servirez les officiers.
Servir des officiers, cela signifie nettoyer leurs chaussures et faire leur vaisselle. Je prends ça comme une expérience nouvelle et ravale mon ego.
Par contre je suis bien embêté car sûr de pouvoir rentrer à la maison, j’avais caché mes longs cheveux sous une perruque. Direction les toilettes pour me faire une coupe très très hasardeuse avec les ciseaux d’un copain.
De retour dans le rang, le capitaine me regarde d’un air soupçonneux, il s’approche et tire sur mes cheveux qui avaient changé d’allure.
- Croyiez-vous que j’ai une perruque, capitaine ?
L’été 72, re-départ pour la Turquie, mais avec Christiane seulement. Dans l’avion, nous faisons connaissance avec Xavier un jeune français de Chambery qui nous explique sa passion de l’histoire greco-romaine et son objectif de visiter un maximum de sites archéologiques.
Changement d’objectif ! Convaincus, nous n’utiliserons que très peu les masques de plongée et les palmes qui encombrent nos valises et ferons une boucle de 3000km avec les moyens de transports locaux. A la clé une vingtaine de site extraordinaires (Ephèse, Pamukkale, Antalya, la Cappadoce etc…) et une caméra volée à Izmir.
De retour à Istanbul, je croise mon voleur devant le bazar ! Course poursuite comme dans les films, il a finalement disparu dans les boutiques.
A Antalya, lors de la seule journée balnéaire, je ramasse au fond de la mer une des quelques fioles hermétiquement fermées qui gisent par 2 mètres de fond. Elles sont remplies de poudre blanche et j’aimerais bien en faire l’analyse avec mon professeur de chimie.
Après 4 semaines de voyage, nous voici à l’aéroport de Genève, la tête pleine de souvenirs, lorsque les douaniers nous choisissent pour le contrôle des bagages. Pas de problème, car nous n’avons rien à nous reprocher.
- Et ça c’est quoi ?
Le ciel me tombe sur la tête ! J’avais complètement oublié cette histoire de fiole.
Nos passeports sont saisis et nous subissons un interrogatoire très sérieux (mais poli) dans une petite salle attenante.
Explications, dessin précis de l’endroit, devant ma franchise ils nous laissent enfin partir. Nos passeports seront reçus par la poste un mois plus tard. Malgré plusieurs téléphones à la brigade des stupéfiants, je n’ai jamais su de quoi cette fiole était remplie.
Aujourd’hui, 33 ans plus tard, me voici à nouveau à Antalya. J’en profite donc pour faire ressurgir ces souvenirs de ma mémoire et redécouvre une ville qui a grandi, mais dont le centre historique est absolument extraordinaire de simplicité et de convivialité.
A l’institut de microtechnique, j’ai eu la chance de travailler sur plusieurs projets dont il a fallu faire des prototypes comportant des pièces de très petites tailles. Cela m’a permit d’être apprécié, (ce qui me servira plus tard).