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partie centrale qui "pousse"

Une jeunesse facile

Un ami, c’est quelqu’un qu’on connaît bien, mais qu’on aime quand même. Mes amis m’ont parfois joué des tours (et parfois je le leur ai bien rendu). Jean-Jacques vient un jour vers moi et m’annonce qu’un chat est blessé dans la forêt. Je le suis immédiatement… pour tomber dans un traquenard ! Quelques copains avaient décidés de vérifier ma non-violence déclarée quelques jours plus tôt. Je suis aussitôt saisi par les bras, mon tee-shirt est enlevé et Jean-Jaques me fouette assez durement.
- Vous pouvez me lâcher je ne partirai pas!
J’ai tout supporté sans broncher ! Ah la fierté !
Dès mon retour à la maison, mes parents mécontents m’ont emmené chez les parents du coupable pour constatation. Ce jour là mon ami Jean-Jacques a bien été puni. 
Une bonne complicité s’était installée avec mon père lorsque nous avons réalisé la maquette de train Märklin. Elle neutralisait une bonne partie de l’atelier et nous a occupé pas mal de temps.
Cet atelier a aussi vu la construction d’une grande cage à souris dans laquelle elles se sont trop rapidement multipliées, mais quelle joie de les voir s’activer dans tous les sens, de voir ces bébés souris tout nus et si fragiles. Sécotine notre chatte noire si affectueuse a mis fin à tout ça le jour ou elle a trouvé le moyen d’ouvrir la cage !
Vers 15 ans, avec Philippe et Daniel, nous avons trouvé la recette de la poudre noire : soufre, salpêtre et charbon de bois. Quelle période passionnante ! Il a fallu nous procurer les ingrédients et les drogueries ne jouaient pas toujours notre jeu. Nous avons donc appris à bien raconter nos soi-disant banales expériences de chimie. Au début on faisait simplement brûler nos mélanges, par la suite on a ajouté de la limaille de fer ou d’aluminium pour voir de belles étincelles. L’ajout de permanganate de potassium a permis d’améliorer considérablement les effets détonants puis nous sommes passé à la fusée. Premier essai à l’horizontal avec un tube à cigare bien plein fixé sur un wagon Märklin. Cinq mètres de voie le plus droit possible devant la maison et feu ! Essai réussi. Parti dans une flamme extraordinaire, le wagon a disparu, on ne l’a jamais retrouvé.
Ces expériences ont pris fin lors d’une extraordinaire tentative avec la poudre contenue dans les quelques cartouches que nous avions réussi à nous procurer dans un stand de tir. Après avoir récupéré les balles pour faire des pendentifs, toute la poudre a été tassée dans une seule cartouche bien fermée avec du bois dur. Un jour où mes parents n’étaient pas là, on a fait un petit feu devant la maison, on y a placé notre « bombe » et on a attendu. Comme rien ne se passait, nous nous sommes approchés et c’est là que ça a sauté.
Nous avons eu beaucoup de chance, mais il a quand même fallu aller constater les dégâts car quelques éclats nous ont atteint. Nous nous sommes donc retrouvés les trois à poil dans la baignoire qui s’est un peu teintée de rouge. Au total, une dizaine de petites blessures dont on a retiré délicatement des éclats de cuivre. Daniel en a conservé pendant plusieurs années un morceau qui était trop profondément planté dans le mollet.
Nous étions fiers de le montrer comme preuve de notre expérience. Après plusieurs années, le morceau de cuivre a fait surface… il est sorti presque tout seul. Ne reste plus que les cicatrices.
Avec ma mère, notre complicité se situait autour de la musique. Elle m’a appris à jouer de la guitare et à chanter avec elle. Dès 12 ans, je « gratouillais » déjà la guitare et sans grand talent, j’essayais de l’accompagner.
Après l’accordéon de ses jeunes années, les chœurs mixtes ont alimenté sa soif de musique et de contacts.
Elle était très active dans le chœur mixte de Vers-chez-les Blancs. Elle a créé plusieurs revues satiriques entrecoupées de sketches humoristiques contant l’actualité régionale.
A la soirée annuelle je me retrouvais parfois sur scène et me rappelle en particulier de la chanson d’Henri Salvador « Minie petite souris » dans laquelle je jouais la petite souris. A un moment crucial, je devais dégainer un pistolet et tirer. Bien sûr le coup n’est pas parti et du coup c’est toute la salle qui est partie en éclat de rire. Mais le ridicule ne tuant pas, j’ai survécu.
J’avais quand même une assez jolie voix, du moins avant que la puberté ne m’en enlève une partie. Ma mère m’avait inscrit à une audition pour chanter « le petit chevrier » lors de l’expo nationale de 64. J’avais de grande chances selon les dires d’Elisa, une de ses amies chanteuse dans l’orchestre de la suisse romande. Elisa a consacré pas mal de temps pour m’apprendre à maîtriser la voix. J’étais prêt, puis j’ai attrapé une angine qui m’a rendu aphone le jour de l’audition qui s’est déroulée sans moi ! Bien entendu nous avons trouvé que celui qui a été sélectionné chantait moins bien que moi!
Ma scolarité s'est bien déroulée avec la chance de bien pouvoir me concentrer sur un sujet. En suivant attentivement les leçons, je m'économisais des devoirs à domicile est donc du temps pour jouer. Bref, une jeunesse insouciante.
En 8ème année, mon prof. (Georges Annen) nous a proposé de monter une pièce de théâtre. J’ai dû assumer le rôle de Blanche dans « la grammaire » de Labiche. Perruque blonde, hauts talons, en me voyant faire des essais devant la maison, le facteur a dit à mes parents :
- Ah ! vous avez une fille aussi ?
***
A cette époque, il m’avait pris de confier quelques activités dans un journal que j’avais nommé :
« Ce cahier ne doit pas passer dans les mains du maître »
En voici le contenu :
Jeudi 21 Mai 1964
J’ai été faire une cabane dans les bois et on a fumé. J’ai fini ma maquette du « Kon Tiki » (radeau utilisé par Thor Heyerdahl en 1947 pour faire la preuve d’une traversée possible par des tribus d’Amérique du Sud jusqu’en Polynésie).
Lundi 25 mai 1964
J’ai reçu un vélo, j’ai été faire une promenade dans les bois. J’ai été voir un vieux bis. Je me suis ouvert la main.
Mercredi 27 mai 1964
A cause de ma blessure, j’ai du aller chez le docteur. Il m’a fait une piqûre anti-tétanos. Je dois retourner faire la seconde dans 3 semaines.
Lundi 1er juin 1964
Ma grand-mère s’est cassée le ménisque à l’Expo. Je vais la voir à la clinique La Longeraie.
Jeudi 4 juin 1964
C’est le premier jour de la grande course. Nous partons de Lausanne à 6h30 en direction de Lugano par la Simplon et le joli petit train du Centovalli. Arrivés à Lugano nous avons dîné. Nous sommes montés au San Salvator en funiculaire, nous sommes descendus à pied sur Morcote. De retour à Lugano, par la voie d’eau, nous avons passé par-dessous la digue de Melide. A Lugano nous avons eu 2 heures de libre. Je suis allé en pédalo. Ouis nous sommes allés à l’hôtel Livadia, toujours par le bateau. 22 heures, extinction des feux.
Vendredi 5 juin 1964
6h30 réveil. Puis nous sommes allés à Lugano en taxi. Il en a fallu trois, plus le directeur de l’hôtel. On avait bien fait de prendre la caisse avec nous, cela nous a permis de payer les trois voyages. J’étais dans la voiture du maître d’hôtel. Il conduisait bizarrement. Son volant avait au moins 50% de jeu. Il roulait à gauche dans les contours. Il changeait de présélection comme de chemise. Puis nous sommes partis pour Arth-Goldau.
Nous sommes montés au Rigi où nous avons mangé. Puis nous sommes descendus sur Vitznau, où toujours par voie d’eau nous sommes allé sur Lucerne. A Vitznau le lac se démontait un peu. Nous espérions qu’il y ait un orage. Mais non, il s’est étouffé. Naturellement il plût à Lucerne. Mais alors qu’il y plût ! « des cordes ». Nous avons attendu sous le pont de bois couvert. Et en route pour Lausanne. Il faisait nuit lorsque nous sommes arrivés à Berne. Nous avons changé de train. Des gens nous avait pris notre place. Je me suis couché durant tout le voyage. Nous sommes arrivés à Lausanne à 22h30.
Mercredi 17 juin 1964
J‘ai été faire ma deuxième piqûre anti-tétanos, puis j’ai fait du saut à la perche.
Lundi 22 juin 1964
J’ai apporté mes habits de théâtre à l’école. On a bien rit !
Mercredi 24 juin 1964
J’ai travaillé chez moi pour un peu d’argent, pour acheter un masque de plongée. J’ai tondu le gazon, j’ai mis en ordre la cave à l’abris.
Vendredi 21 juin 1964
J’ai reçu 4 f. de mercredi ma mère est allée au centre et elle a acheté le masque.
Lundi 29 juin 1964
Ma grand-mère est rentrés de la clinique.
Mardi 30 juin 1964
J’ai reçu une invitation pour l’Expo.
Mercredi 9 septembre 1964
Je pars à 10h de la classe pour l’Expo.
Mercredi 16 septembre 1964
J’ai commencé ma maquette de train « Märklin ». J’ai fait une table de 80 cm de haut pour y poser les voies.
Jeudi 24 septembre 1964
J’ai été chez Monsieur Taux chercher du treillis et du plastic pour mon train. Il n’en avait pas mais il m’a dit de prendre du papier et de le tremper dans de la colle de menuisier. Je dois aller chercher la colle et le plastic le 25 à midi.
Jeudi 1er octobre 1964
L’après-midi nous sommes allés voir l’exposition de peinture à Beaulieu. Il y avait de très belles toiles. Il y en avait une qui coûtait jusqu’à 10 millions de francs suisses. On a vu du cubisme. Je ne comprends pas l’art abstrait et je ne l’aime pas.
Vendredi 2 octobre 1964
On a été voir le dernier cortège des cantons suisses, les Grisons. J’ai été avec Philippe Kohli sur la terrasse de la tour Georgette. A 2 heures nous devions voir le maître devant la librairie Mélisa. J’y ai été mais la plupart de la classe n’y a pas été. Ce cortège était trop court à mon gré. Il a commencé à 2h 30 et il a fini à 3h10. Nous avons dû rentrer à l’école. Je ne me suis pas dépêché et je suis arrivé à 3h30.
Vendredi 16 octobre 1964
Le maître nous fait faire un exercice genre canular. Nous devons faire comme si nous étions correspondant avec un courrier du cœur. Voici ce que j’ai reçu :
- Je suis partie pour l’Afrique où je vais m’installer dans une clinique. Sur le bateau, j’ai rencontré Julien. Au début nous nous sommes détestés, puis nous sommes sortis ensemble. En arrivant à la clinique, j’ai appris qu’il était médecin chef et qu’il était fiancé à une rousse du nom de Géraldine. J’ai refais mes bagages et je vais partir. Julien a essayé de me donner une explication mais je n’ai pas voulu l’entendre. A-je raison ? Dois-je vraiment partir ? « Wilhelmine Dupont »
Réponse de Didier Bordon :
- Non, il n’est pas question de partir, nous avons besoin de personnel pour soigner les malades. Si Julien vous aime, vous vous marierez. S’il préfère Géraldine, vous vous quitterez, mais vous resterez dans la clinique.
Deuxième courrier :
- J’ai deux enfants, j’aime mon mari Gaston. Mais j’ai appris d’une amie qu’il s’était fiancé avec une vieille fille de 35 ans toute ratatinée qui se nomme Eloise Ronie. J’ai même appris qu’il avait loué un studio pour elle. Que faut-il faire pour que mon mari cesse de voir cette voleuse d’homme ? « Canarie »
Réponse de Didier Bordon :
- Parlez-lui et prouvez lui votre amour. Usez de votre charme, soyez prévenante. Petit à petit il vous reviendra, si non divorcez. « Didier »
***
A 16 ans chez les protestants c’est l’âge de la confirmation. Pour moi la religion se résumait à des cours de catéchisme avec un pasteur que j’avais de la peine à comprendre. Par contre il y avait quelques belles filles qui valaient la peine d’être fréquentées. Malheureusement elles ne s’intéressaient qu’au plus âgés et moi je faisait plutôt jeune.
Etant de caractère entier, je ne voulais pas m’engager dans la confirmation d’un baptême que je ne reconnaissais pas. Les premiers chrétiens se faisaient baptiser en tant qu’adultes engagés dans la foi pour Jésus. Je ne voulais pas être hypocrite.
Le pasteur m’a proposé :
- Didier, ce n’est qu’une fête de famille, tu recevras des cadeaux et tu les rendras heureux. Pourquoi gâcher cette journée ?
- Bon d’accord, mais ce ne sera que pour les cadeaux, on est bien d’accord !
Lors de la cérémonie à l’école, Nous devions nous lever à l’appel de notre nom. Devant moi il y avait Philippe. Après son appel, lorsqu’il s’est assis, j’ai tiré la chaise en arrière et il est presque tombé par terre. On a bien rit… sauf lui !
Ma mère a toujours eu la foi, mais elle ne me l’a pas vraiment communiquée. Par contre, nous avions souvent des discussions sur les phénomènes inexpliqués tels que les OVNI, les constructions gigantesques des Egyptiens ou des Mayas, l’infinité de l’univers, mais si j’avais un intérêt pour la bible, ce n’était vraiment que pour l’histoire et j’affirmais à cette époque que Dieu n’est qu’une représentation de la nature.
Quand j’aurai 30 ans, j’aurai l’occasion de changer d’avis...