Dernière photo de mes parents à Innsbruck en août 1997

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partie centrale qui "pousse"

Chapitre 6

Mon père Francis...
Depuis toujours Francis a aimé Elvire Vaudan. Déjà petit, quand il habitait à Antagnes il lui offrait sa récréation. Après le déménagement de Jules aux Dévens (Francis a 11 ans), pour la voir il lui faut monter par le Savougnon, un petit chemin qui grimpe droit à travers les vignes, passe par le fameux contour du Pissot et arrive enfin près de chez elle.

Elvire et née à Martigny le 10 janvier 1928. La famille de son père, Emile Vaudan est originaire du val de Bagnes, mais sa mère Marie-Julie Gaud, originaire d'Antagnes a voulu y retourner. Le pauvre Emile qui travaillait comme maçon sur le barrage de la grande Dixence ne voyait sa famille que tous les 15 jours.

Elvire avait de la facilité à l'école, aussi son instituteur a encouragé ses parents de lui faire faire un apprentissage d'employée de commerce dans une quincaillerie à Aigle. Elle devait faire le trajet à pied jusqu'à l'arrêt de tram de Villy.

Francis n'avait pas de facilité à l'école et préférait de loin jouer dans la nature et surtout au bord de la Gryonne. Les copains, les foires du samedi soir étaient plus passionnant que les études. Il a travaillé comme manoeuvre maçon avec son père qui lui a tout appris.

 

Elvire et Francis se marient le 17 septembre 1949 et le couple s’installe à Lausanne car Francis y a trouvé un emploi sûr et confortable comme contrôleur dans les trolleybus. Ils n’étaient pas bien riches, mais le salaire de mon père nous permettait de vivre correctement. En 1953 il a construit notre maison dans le quartier de Grand-Vennes. Après avoir creusé à la main les fondations dans la molasse, il a construit notre chalet avec 30'000.- seulement. Pour financer tout ça, il y a en plus toujours ajouté diverses heures de travail comme maçon pour construire les villas du quartier.
En effet, tout le quartier de Grand-Vennes a été petit à petit construit par de jeunes parents qui cherchaient à élever leurs enfants à la campagne et les prés qui nous entouraient au début ont fait place aux villas.
Francis a aussi construit une piscine dans le jardin. Plus de vingt mètres cube de terre ont été déplacés à la main. Mes copains et moi l’avons plus ou moins aidé en fonction de notre force, mais ça a été un sacré travail pour lui. Pendant plusieurs années cette piscine a été la plaque tournante des amitiés du quartier.

Elvire aussi a toujours travaillé, en particulier comme vendeuse en alimentation à la petite Coop du quartier, puis dans la "grande" Coop de la Sallaz. Mais à part le travail, c'est le chant et la musique qui ont été ses occupations favorites. Déjà adolescente elle jouait de l'accordéon et chantait dans le coeur mixte d'Antagnes au grand plaisir de son instituteur. Plus tard à Lausanne elle s'est mise à la guitare et toute mon enfance je l'ai entendue chanter. Elle s'est aussi inscrite au choeur mixte de Vers-Chez-Les-Blanc. Rapidement elle y a contribué à l'animation de la soirée annuelle par l'écriture de pièces de théâtre et de sketchs dans lesquels elle prenait à partie l'actualité locale.

 

Dès la construction de l'institut Plein Soleil en 1974 tout près de chez nous, Elvire s'inscrit comme bénévole. Elle fait la lecture ou chante avec les résidents atteint de sclérose en plaques, de rhumatisme déformant ou d'infirmité moteur cérébrale. Avec quelques bénévoles du quartier, elle créée "les rayons de soleil" qui chaque semaine fait de petits concerts et produit une ou deux fois par année une cassette vendue aux amis et aux amis des amis.

La santé de Francis commence à décliner. La fumée et beaucoup de travail physique ont eu raison de ses artères et ses jambes lui font souvent mal, il prend la retraite à 60 ans et peut ainsi s'occuper de ses petits enfants. 10 ans plus tard des signaux alarmants se manifestent, cette fois c'est le coeur qui n'est plus très vaillant. Il faut envisager une opération qui se fera en 1997 et dont il ne se remettra pas. Les reins hors service, il décide de ne pas entrer dans la spirale infernale des dialyses et veut mourir à la maison. Le matin du 13 décembre 1997 il ne se réveille plus...

Elvire est à la fois infiniment triste et soulagée. Elle trouve des ressources dans le bénévolat à Plein Soleil où elle s'engage au maximum, mais année après année les conditions changent. Les systèmes d'assurance qualité mènent à une règlementation toujours plus restrictive. Tous les soins doivent être assurés par des professionnels qui sont de plus en plus chargés par manque de personnel. L'institution ressemble de plus en plus à une usine où l'humain cède le pas à la technique. Les bénévoles sont cantonnés dans des activités de plus en plus secondaire, Elvire a le moral en baisse. Sa santé aussi décline, un jour les urgences l'ont emmenée à l'hôpital, elle n'en sortira pas et s'éteint dans la nuit du 15 mai 2007.