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partie centrale qui "pousse"

Le séjour linguistique au Texas

Nous sommes au début de l’été 1996 et je débarque à Dallas au Texas, c’est la première fois que je découvre le Middle West Américain ! Les bénévoles d’AFS m’accueillent chaleureusement à l’aéroport et me conduisent chez eux dans les faubourgs de Dallas. Je suis accompagné par d’autres jeunes partis comme moi à l’aventure dans des familles d’accueil. Nous séjournons deux jours à cet endroit afin de nous acclimater gentiment à notre nouvel environnement. Nos hôtes nous présentent les us et coutumes aux USA pour nous préparer au choc culturel. Finalement ma famille d’accueil vient me chercher, il y a Don, Joan et leur fils Lorin. Le trajet jusqu’à Burleson dure environ 1h30 et j’ai l’occasion de contempler le panorama totalement plat du Texas depuis la voiture. Les O’Neil habitent dans une villa située dans la banlieue de Burleson. En arrivant dans ma nouvelle maison, des banderoles me souhaitent la bienvenue. C’est un sentiment bizarre d’être accueillit dans un nouveau foyer comme une personne faisant partie de la famille ! C’est une maison américaine classique aménagée sur deux étages. Au rez-de-chaussée se trouve la cuisine, le salon et la chambre des parents. A l’étage supérieur je découvre ma chambre et celle de Lorin. Derrière la maison se trouve une terrasse avec une piscine. J’ai l’impression de me retrouver en vacances au soleil, alors que je sais que ce sera mon lieu de vie pour l’année à venir.
Burleson était à l’époque une petite ville d’environ 20'000 habitants. C’est une ville texane ordinaire majoritairement blanche avec un petit centre-ville authentique datant des années 1910. La plupart des habitations se trouvent dans la banlieue. Il n’y a pas beaucoup de loisirs à faire et le cinéma est un des seuls lieus de rencontre pour les jeunes. Comme la plupart des américains, l’endroit de divertissement principal de fin de semaine est le Shopping Mall. Le weekend nous avions l’habitude d’aller à celui d’Arlington. De temps en temps nous allions manger dans un Fast Food, Taco Bell était celui que nous privilégions, ils y servent des plats Tex-Mex tel que Fahitas ou Burritos. Pour les occasions importantes, tel que fêtes d’anniversaires, nous allions également dans un restaurant mexicain à Burleson. A chaque fois les serveurs nous faisaient une surprise en chantant « Happy Birthday » à notre table en faisant une petite chorégraphie, c’était des moments mémorables. Nous sommes allés également deux fois au parc d’attraction « Six Flags » qui se trouve à Arlington, à mi-chemin entre Dallas et Fort Worth.
Après les vacances estivales, je fais ma rentrée des classes à la High School de Burleson en troisième année au même titre que Lorin. La Hich School s’effectue en quatre années. La première année s’appelle « Freshman », la deuxième « Sophomore », la troisième « Junior » et la dernière année « Senior ». La High School commence à la neuvième année d’école (vers 14-15 ans) et se termine à la douzième année (vers 17-18 ans). Là-bas j’y trouve tous les clichés qu’on voit dans les séries américaines.  Il y a près de mille élèves et le système scolaire est très différent de celui de la Suisse. D’ailleurs je suis surpris de remarquer qu’un policier patrouille tous les jours dans l’école ! Aux USA il n’y a pas d’apprentissage comme en Suisse, les adolescents apprennent leur futur métier à la High School, puis à l’université. La scolarité n’est donc pas autant sélective qu’en Suisse et pour moi cette année ressemblait plutôt à des vacances vu le niveau scolaire local. D’ailleurs on a l’habitude de dire que les américains commencent à apprendre à écrire à l’université… C’est un peu exagéré, mais j’ai ressenti un véritable fossé éducatif par rapport à la Suisse. L’enseignement est basé sur un système de crédits. Les jeunes peuvent choisir les cours qui les intéressent pour autant que le nombre de crédits nécessaire soit atteint. Il y a donc un choix pléthorique de cours, tel que les mathématiques ou l’histoire, mais également des cours de coiffure ou de mécanique. J’ai ainsi pu choisir les cours qui m’intéressaient, c’est-à-dire la chimie, les maths, la biologie marine, mais également des cours non scientifiques tel que l’anglais, l’histoire américaine, le dessin ou le Graphic Design. Lorin fait partie d’une famille très patriote et il m’avait vivement conseillé le cours ROTC (Reserve Officers’ Training Corps). En fait il s’agit d’un cours sur l’Air Force dans lequel nous apprenions l’histoire de l’aviation à travers les différentes guerres dans lesquelles les USA participèrent. Le cours était donné par de véritables officiers de l’Air Force et nous faisions même de l’école de section dans la cours de l’école ! J’ai donc commencé une véritable formation prémilitaire à la High School de Burleson. Le matin nous devions prêter allégeance au drapeau américain avec la main droite posé sur le cœur. Je me pliais volontiers à cette cérémonie tout en songeant intérieurement au ridicule de la scène. En plus nous devions venir tous les jeudis à l’école en uniforme de l’Air Force ! Néanmoins j’ai eu d’excellents souvenirs de ce cours. D’ailleurs ce dernier avait beaucoup de succès, la moitié des élèves étant de sexe féminin. Il y avait une très bonne ambiance dans la classe, car l’armée est très respectée aux USA. Les enseignants-officiers était très à l’écoute de leurs élèves et nous donnaient des conseils de vie. Par exemple je me rappelle un cours où ils nous avaient donnés des recommandations sur comment épargner l’argent. On pouvait également recevoir des pseudos grades militaires et les élèves les plus expérimentés dirigeaient l’école de section. J’ai même eu l’occasion d’obtenir une distinction, car j’avais passé un samedi matin entier à ramasser les déchets le long d’une route, ce qui m’a permis de recevoir une petite barrette de couleur verte qu’on agrafe sur la poitrine.
Le premier jour le directeur de la High School avait essayé de m’aiguiller sur les cours les plus appropriés selon lui. Apparemment il s’attendait à ce que j’aie le même niveau scolaire que les américains et donc je commençai un cours de mathématique correspondant. Cependant je réalisai rapidement que le niveau était beaucoup trop faible. J’ai donc opté pour le niveau le plus élevé de l’école, en « Calculus », dans lequel j’ai pu me sentir à l’aise. Le cours d’Anglais ne dérogeait pas à la règle. Le prof s’appelait Mr Bob et le cours consistait à étudier des ouvrages américains tels que « My Darling, My Hamburger », « The Crucible», « Mice and Men », « Oliver Twist » ou « Lonesome Dove ». Les examens consistaient en choix multiples où il fallait démontrer qu’on avait compris l’histoire du livre. Pour moi ça ne posa aucun problème et j’ai même reçu une distinction, un « Thumb Up », pour mes performances en Anglais ! J’ai également profité de cette année pour commencer la musculation grâce au cours « Weight Lifting ». Il suffisait de participer au cours pour avoir la note maximale, « 100 ». J’ai donc pris une quinzaine de kilos en une année en affutant mon corps quotidiennement.
Il y a également une multitude de clubs à la High School et donc logiquement je choisis le « French Club » pour m’intégrer d’avantage à l’école. C’était la seul occasion que j’avais de parler dans la langue de Molière. D’ailleurs des sorties étaient organisées par le club et une fois nous avons assisté à une pièce de théâtre de Molière dans laquelle les comédiens parlaient moitié Anglais, moitié Français. Nous avions également dîné dans un restaurant Français et j’ai eu un malin plaisir à commander le menu en Français. En voyant la réaction de surprise de la serveuse, je compris que seul le patron du restaurant était Français.
J’ai également fait partie du club de modélisme qui appartenait au cours ROTC. A cette occasion nous montions des modèles réduits d’avions et d’hélicoptères militaires.
La particularité de ma famille d’accueil tenait de leur confession, car ils font partie de l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours (c’est-à-dire les Mormons). En Europe cette église est assimilée à une secte, cependant aux USA elle est considérée comme une religion normale parmi tant d’autres. D’ailleurs il y a plus de 14 millions de membres dans ce pays et ces derniers sont totalement acceptés par la société. Les membres de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours croient que leur Église a été rétablie par Jésus de Nazareth lui-même, par l'intermédiaire du prophète Joseph Smith, et qu'elle a été organisée comme l'Église primitive, celle du Nouveau Testament, après une période de 18 siècles de changements et de pertes appelée la Grande apostasie. Selon ses dires, Joseph Smith, alors âgé de 14 ans, aurait prié dans un bosquet près de chez lui en 1820, pour savoir à quelle Église il devait se joindre. Il raconte que deux personnages lui apparurent : Dieu le Père et son Fils Jésus-Christ. Il ajoute que Jésus-Christ lui déclara alors que la vraie Église avait été transformée et perdue par les hommes, et que, s'il restait fidèle, il serait plus tard celui par qui elle serait rétablie. Joseph Smith affirme que trois ans plus tard, en septembre 1823, il reçut la visite d'un ancien prophète nommé Moroni qui lui révéla l'emplacement de saintes Écritures (colline de Cumorah), écrites en égyptien réformé sur des plaques métalliques et aujourd'hui parues sous le titre de Livre de Mormon. Selon Joseph Smith, ces écrits étaient l'œuvre de prophètes d'origine juive ayant vécu sur le continent américain entre 600 ans av. J.-C. et 420 ap. J.-C. Joseph Smith raconte également que son secrétaire Oliver Cowdery et lui-même, travaillant en 1829 à la traduction du Livre de Mormon, y lurent le récit de la visite du Messie aux habitants de l'Amérique ancienne et ses enseignements sur le baptême. Selon leur récit, le 15 mai, ils allèrent prier sur les bords de la rivière Susquehanna, près de la maison de Joseph, à Harmony. Ils racontent qu'un être céleste leur apparut, se présentant comme étant Jean-Baptiste; que ce personnage leur conféra la prêtrise d'Aaron et leur commanda de se baptiser et de s'ordonner mutuellement. Ils racontent que plus tard dans le mois, les apôtres d'autrefois Pierre, Jacques et Jean leur apparurent aussi et leur conférèrent la prêtrise de Melchisédek et les ordonnèrent apôtres. Les Mormons sont surtout connus pour leur polygamie et leur compétence en généalogie. Cependant il faut noter que la polygamie fut abolie en 1889 par Wilford Woodruff, le 4ème président de l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours.  Les saints des derniers jours considèrent que leur première obligation est d'accomplir, par procuration, les ordonnances du temple pour les membres décédés de leur famille afin de leur permettre de recevoir les bénédictions de l'Évangile. Les saints des derniers jours croient que ces ordonnances scellent ou lient les familles ensemble, l'objectif étant une chaîne ininterrompue jusqu'à Adam. Cette volonté a motivé l'invention de la norme GEDCOM et la recherche d'actes anciens, notamment grâce à la technologie du microfilm leur permettant de sauvegarder leur généalogie. Son site FamilySearch, dont les ressources sont gratuitement disponibles au public, est l'un des sites généalogiques les plus utilisés sur Internet. En dehors des USA, les mormons sont également connus pour leurs œuvres missionnaires. Des célibataires ou couples retraités, membres de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, peuvent se porter candidats pour remplir une mission à plein temps. S'ils sont considérés comme moralement dignes et physiquement aptes, ils sont envoyés pour 18 ou 24 mois prêcher l'Évangile avec le soutien de leur famille ou de leur paroisse. C'est ainsi que plus de 50’000 missionnaires sont en permanence en activité dans environ 145 pays. Chez les Mormons la famille est l'organisation de base de la structure. Selon la doctrine, le père et la mère ont, en tant que partenaires égaux, la responsabilité de l'éducation des enfants. Le père préside sa famille et a la responsabilité de pourvoir aux besoins vitaux et à la protection de sa famille. La mère a l'appel sacré de mettre des enfants au monde. Les enfants ont la responsabilité d'honorer et respecter leurs parents. Les O’Neil ne dérogeaient pas à la règle et était très « famille ». D’ailleurs Joan passait plusieurs heures par jour pour nous préparer de succulent repas. Selon la doctrine il est interdit de consommer des substances pouvant altérer la conscience, tel que drogues, alcool ou café. Les O’Neil étaient heureusement plutôt tolérant et j’avais le droit d’avoir mon propre bocal de café à la maison. D’ailleurs ils ne se privaient pas de consommer des sodas contenant de la caféine, tel que Coca Cola ou Dr Pepper, mais nous ne sommes pas à une ambiguïté près dans ce pays !
Nous avions l’habitude d’aller au temple mormon les dimanches matin. Lorin m’accompagnait donc à l’école du dimanche où nous recevions les enseignements mormons. Ces cours me faisaient gentiment sourire, car je ne suis pas crédule. L’Eglise considère que le Livre de Mormon est non seulement un texte religieux, mais aussi le récit historique de civilisations précolombiennes. Par exemple il y a de nombreux éléments considérés comme des anachronismes : mention de l’acier, des chevaux, etc. ; ou des incohérences linguistiques. Durant un cours l’enseignant avait essayé de nous démontrer la nocivité du café et prouver ainsi que la doctrine mormone était adéquate. Apparemment ce dernier n’était pas conscient des vertus du café en consommation modérée, tel que diminution du risque de goutte, bénéfice contre la maladie d’Alzheimer, le diabète de type 2 et le cancer du foie. La présence d’antioxydants comme l’acide chlorogénique préviendrait aussi les dégâts cellulaires dus aux radicaux libres et donc aurait un effet anti-âge. Après l’école du dimanche la messe était célébrée, mais d’une manière particulière. En fait les membres de l’Eglise faisaient des témoignages et il n’y avait pas de prêtre désigné, car les membres eux-mêmes étaient prêtre. D’ailleurs même Lorin était l’un d’entre eux ! Cependant l’ambiance était très chaleureuse et des barbecues étaient également organisés devant le temple après la cérémonie.
Durant mon séjour j’ai eu l’occasion de vivre une expérience hors du commun (du moins d’un point de vue helvétique). C’était un mardi matin. En sortant de la maison pour aller à l’école, je remarque que le ciel a une apparence très étrange. En effet la couverture nuageuse ressemble à du coton et est très boursouflée. De plus le panorama était baigné d’une lumière orangée ! Je n’ai jamais vu de phénomène pareil, car tout l’environnement apparaissait orangé. Comme d’habitude Joan nous amena à l’école en voiture. Nous avions un examen de mathématique (Calculus) lors du premier cours et à la fin de l’épreuve vers 9h00 l’alarme tornade retentit dans le bâtiment ! Nous sommes donc sortis de la classe pour rejoindre les autres élèves dans le couloir. La prescription d’usage en cas de tornade est de s’asseoir parterre les pieds contre le mur du couloir. Ainsi nous nous exécutions et attendions la fin de l’alarme. En fait je n’ai pas vu grand-chose de la tornade, il y avait juste beaucoup de vent, de la pluie et du tonnerre. Après un moment nous sommes rentré dans nos classes et poursuivre les cours. En fait j’appris plu tard qu’il y avait eu deux tornades ce jour-là. Heureusement elles ont simplement frôlé la ville et il n’y a eu que des dommages matériels mineurs. Cependant le risque de tornade a perduré toute la journée, car d’autres tornades peuvent suivre. Ainsi Joan est restée la journée entière enfermée dans les toilettes et est sortie de la maison uniquement pour venir nous chercher à l’école.
Il y a eu également d’autres événements insolites durant mon année scolaire. Par exemple un jour nous avons dû évacuer l’école car un des élèves avait mis le feu à du papier toilette dans les WC. Un autre jour un élève que je ne connaissais pas m’a proposé du cannabis dans la cour de l’école alors que la police scolaire patrouillait à proximité. Une fois nous avons eu une journée de sensibilisation sur les accidents de la route. Les organisateurs avaient mis en scène une voiture accidentée à côté du terrain de football. Des élèves s’étaient grimés et jouaient les blessés dans le véhicule cabossé. Les pompiers et un hélicoptère s’étaient même déplacés pour rendre la scène encore plus réaliste. Ils ont donc désincarcéré les faux blessés afin de les évacuer.
Un autre souvenir marquant fût le passage de la comète Hale-Bopp au printemps 1997. En passant au périhélie le 1ère avril 1997, la comète donna un spectacle extraordinaire. Elle était plus brillante que toute étoile au ciel, sauf Sirius, et sa queue de poussières s'étendait dans le ciel sur 40 à 45 ° d'arc. La comète était visible bien avant que le ciel ne soit complètement obscur, toutes les nuits, et tandis que beaucoup de comètes sont très proches du Soleil quand elles passent au périhélie, Hale-Bopp était visible toute la nuit de l'hémisphère nord.
C’est également en avril, lors des vacances de Pâques, que mon père, Monique et son fils Luca me rendirent visite à Burleson. Ils avaient loué un monospace et nous avons fait un circuit d’une semaine à travers le Texas. Pour cette occasion Lorin nous a accompagné. Pour une fois c’est lui qui jouait le rôle de l’étudiant d’échange. Nous sommes d’abord descendus à Austin, la capitale du Texas où nous avons pu découvrir le Capitole construit entre 1882 et 1888. Ensuite nous avons poursuivi jusqu’à San Antonio, surnommée la « Petite Venise du Texas » à cause des canaux qui traversent son centre-ville. La principale attraction de cette ville est le Fort Alamo où Davy Crockett et ses compagnons trouvèrent la mort en 1836 en résistant à l’armée mexicaine. Puis nous avons poursuivi jusqu’à Houston où nous avons visité le centre spatial de la NASA. Depuis sa création en 1962 le centre assure l’entraînement des astronautes et la gestion des missions habitées après leur lancement. Le centre est ainsi responsable du contrôle en vol de la navette spatiale américaine et de la station spatiale internationale. Finalement nous sommes remontés au Nord en direction de Dallas. Sur le chemin nous nous sommes arrêtés à Huntsville. La ville est célèbre pour son pénitencier, abritant le centre d'exécutions (et non le couloir de la mort) « Ellis One Unit », où sont pratiquées, par injection létale, les exécutions capitales du Texas (soit la plus grande partie des exécutions sur le sol américain). Les condamnés ne sont transférés dans cet établissement qu'une fois leur ordre d'exécution signé par le juge (et non le gouverneur). Nous terminons donc notre périple à Dallas où nous visitons l’endroit où le président Kennedy fût abattu le 22 novembre 1963. Nous pouvons toujours apercevoir la fenêtre entre-ouverte de la Texas School Book Depository où Lee Harvey Oswald avait tiré.
A suivre…